Interviewé dans le cadre de l’affaire relative à des pratiques, entre 1997 et 2001, de discrimination raciale au sein d’une agence Adecco, Pierre Warin est intervenu sur le plateau de France Info TV dans l’émission « L’info chez vous » présentée par Séverine Larrouy, pour apporter son éclairage sur le cadre juridique sanctionnant la discrimination à l’embauche.
13 mars 2024 dans France Info
Toute discrimination raciale à l’embauche, comme en cours de carrière, est clairement interdite par la loi.
De tels faits peuvent être sanctionnés autant sur le plan pénal que sur le plan civil. Ainsi, aussi bien la personne morale qui aurait laissé commettre de tels agissements que les personnes physiques directement impliquées dans la commission des faits encourent notamment, au plan pénal, des amendes et des peines d’emprisonnement, ces dernières bien entendu pour les personnes physiques uniquement. Au plan des actions civiles, sous réserve du respect des différents délais de prescription, les victimes peuvent demander réparation des préjudices subis, notamment pour avoir été privées de l’opportunité de rejoindre une entreprise ou résultant d’une atteinte à leur développement de carrière. La charge de la preuve reste plus favorable aux victimes sur le plan civil que dans le cadre pénal puisque dans ce dernier cas, il convient de démontrer la culpabilité de l’employeur, alors qu’au civil, la charge de la preuve est partagée et il appartient à l’employeur, en présence de faits laissant supposer une éventuelle discrimination, de démontrer que son comportement a été motivé exclusivement par des raisons professionnelles, objectives et valables.
Pierre Warin a également rappelé la valeur probatoire, au pénal et au civil, notamment depuis une loi de 2006, des « testings » réalisés sous des conditions garantissant leur fiabilité, et a fait état de la proposition de loi du député Renaissance Marc Ferracci qui vise à distinguer les « testings » individuels des « testings » statistiques et à clarifier leur méthodologie pour renforcer leur force probante.
La décision du Tribunal correctionnel de Paris qui était alors attendue dans le cadre de l’affaire Adecco aura été rendue plus de 20 ans après la dénonciation des faits. Ce délai d’instruction extrêmement long, en l’espèce, résulte non seulement de la complexité procédurale, mais aussi et surtout d’un manque de moyens de la Justice ainsi que des difficultés propres à cette affaire quant au nombre important de personnes, environ 500, potentiellement concernées par les agissements visés. Pierre Warin a ainsi souligné, si besoin était, que de tels délais sont de nature à considérablement atténuer les effets de la décision de justice concernée, même si elle conserve toute sa valeur symbolique. Des affaires comparables à celle impliquant Adecco, en termes d’ampleur des faits, ont déjà été jugées, notamment en matière d’accès au logement locatif, pour lesquelles les délais étaient heureusement bien moins longs.
Interrogé sur la place de la charge de la preuve dans de telles affaires et de la difficulté qu’elle peut créer, Pierre Warin a rappelé la nécessité, dans le cadre d’une procédure pénale, d’établir la culpabilité des personnes mises en cause, et donc d’apporter la preuve de la discrimination. Sur le plan civil, a contrario, la charge de la preuve est partagée en droit du travail puisqu’il suffit que le salarié apporte la preuve de faits laissant supposer une discrimination, sans avoir à prouver cette dernière, à charge ensuite pour l’employeur de démontrer que ses agissements en cause étaient justifiés par des raisons objectives, pertinentes et professionnelles. Par ailleurs, la protection accrue des lanceurs d’alerte favorise désormais la révélation de comportements tels que ceux mis en cause dans l’affaire Adecco par des salariés qui en seraient victimes ou témoins.
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