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Une PME peut-elle ouvrir la vaccination aux conjoints de ses salariés ?

Pierre Warin  répond aux questions des auditeurs et notamment celles sur la vaccination en entreprise et le droit du travail en général dans l’émission “BFM Business avec vous” présentée par Lorraine Goumot.

7 juin 2021 dans 60 minutes Business

Guillaume Paul (GP) : Nous allons commencer avec une question qui concerne la vaccination en entreprise qui est en train de s’accélérer. Un chef d’entreprise nous demande : « Je suis une PME, est-ce que je peux ouvrir la vaccination aux conjoints de mes salariés ? ».

Pierre Warin (PW) :  C’est vrai que la vaccination s’accélère dans notre pays, on ne peut que s’en féliciter et l’entreprise est un peu le reflet de ce qui se passe dans la société. Le chef d’entreprise dont vous parlez est de bonne volonté en voulant contribuer à l’effort national de cette manière. En revanche, il y aura une double difficulté.

Premièrement, il faut se souvenir que l’entreprise peut favoriser la vaccination mais ne doit pas directement opérer ce type de dispositifs. Ce sont bien les services de santé au travail, la médecine du travail, qui peut s’en occuper ; l’employeur peut simplement favoriser et inciter.

Deuxièmement, si le conjoint du salarié en question n’est pas lui-même salarié de l’entreprise et n’a pas de lien contractuel avec l’entreprise, le chef d’entreprise n’a pas de moyen juridique de prendre en charge quoi que ce soit le concernant.  Ce chef d’entreprise peut continuer à « répandre la bonne parole » ou en tous cas à favoriser, pour ce qui est de ses propres salariés, le fait par exemple de s’absenter pour aller se faire vacciner, ce qui nécessite une autorisation lorsqu’il n’y a pas de service de santé dans l’entreprise. En revanche, il ne peut pas intervenir au-delà de ses propres salariés.

GP : Une autre question de la part d’un internaute : « Selon la loi du 23 mars 2006, il y a obligation d’augmenter les femmes à leur retour de congé de maternité. Est-ce le cas ? Et si oui, comment aborder le sujet avec mon employée ou mon RH ? ». Est-ce bien le cas ?

PW : Cet internaute a raison parce que la loi du 23 mars 2006 est toujours en vigueur. C’est une obligation conditionnelle, c’est-à-dire que ce n’est pas systématique. S’il y a eu des augmentations individuelles ou collectives de salaires pendant l’absence (le congé de maternité), alors une salariée, pour ne pas être défavorisée ou discriminée en raison de son congé de maternité, a droit à une augmentation de son salaire au moins égale à celle : soit de la catégorie des salariés comparables si on est capable de l’identifier dans l’entreprise, soit de l’augmentation collective et individuelle moyenne qui a été réalisée au niveau de l’ensemble des salariés de l’entreprise pendant son absence.

Donc, le schéma est le suivant : si la salariée en question n’a eu aucune augmentation ou une qui lui paraît manifestement très faible alors qu’elle sait que dans la catégorie des salariés qui ont une fonction similaire (ou dans l’entreprise de manière générale), il y a eu des augmentations individuelles ou collectives, elle peut en effet avoir droit alors à une augmentation pour la mettre au même niveau que ses collègues et ainsi ne pas être défavorisée.

GP : Et peut-elle en parler tout à fait librement au RH bien évidemment ?

PW : Elle peut en parler librement ; cela peut cependant être un sujet sensible. Mon conseil en tous cas est de le faire à la fois à l’oral et à l’écrit. A l’oral, parce que c’est comme cela qu’on discute naturellement de sa situation, mais aussi à l’écrit afin de de garder une trace écrite pour éviter, par précaution, qu’il y ait une quelconque mesure de rétorsion, et garder la preuve de cette demande à toutes fins utiles.

GP : Un email peut faire l’affaire en l’occurrence ?

PW : Un email peut tout à fait faire l’affaire.

GP : Voici une nouvelle question concernant les congés et les repos : « Employeur, puis-je imposer la prise de congés à mes salariés ou leur imposer la prise de jours de repos ? » Peut-on imposer tout cela ?

PW : On peut l’imposer. Comme toujours en droit du travail, c’est « oui mais » ou « oui si ». Les jours de congés, de manière générale et avant même qu’il y ait la pandémie, peuvent être dans, une certaine mesure, imposés par l’employeur à condition de respecter un certain nombre de délais, de critères d’ordre, qui souvent en pratique ne sont pas respectés mais qui sont très réglementés par le Code du Travail, par les conventions collectives ou par des accords d’entreprise.

On a cependant une spécificité cette année en raison de la pandémie, depuis un certain temps maintenant. Le gouvernement avait prévu que les employeurs aient plus de flexibilité pour imposer la prise de congés. Très concrètement, cette modalité a été prorogée jusqu’au 30 septembre 2021. Attention, il faut un accord collectif, donc un accord d’entreprise ou un accord de branche, qui autorise l’employeur à imposer jusqu’à 8 jours ouvrables de congés payés. Il est possible d’imposer la prise de ces congés à certaines dates, et il est aussi possible de modifier les dates de congés déjà posés.

En revanche, comme je vous le disais tout à l’heure, la faculté d’imposer la prise de congés existait déjà dans une certaine mesure ; ce qui est vraiment nouveau est que sous réserve de cet accord collectif, l’employeur peut modifier et réduire le délai de prévenance jusqu’à un jour franc, c’est-à-dire le délai vraiment minimum. Attention, pour cela il faut un accord collectif : les organisations syndicales représentatives des travailleurs de la branche ou des salariés de l’entreprise, doivent considérer que la situation justifiait de conclure un tel accord et de le signer.

GP : On pouvait prévenir jusqu’à 30 jours avant et le délai peut donc être raccourci. Ça, c’est la théorie, mais quel DRH, quel patron va se risquer à prévenir un seul jour avant…

PW : Dans la pratique, en effet, des accords de branche ont été signés avec des délais qui sont souvent supérieurs à un jour ouvrable, de l’ordre d’une semaine.

GP : Nous avons encore une question d’un internaute en rapport avec ce sujet des congés et des repos imposés : « Je travaille dans une société de conseil et mon employeur m’a informé le 31 mai que j’avais pour obligation de poser quinze jours ouvrés, soit trois semaines sur la période du mois d’août, parce que mon client impose aux prestataires trois semaines de congés non facturés, sachant que ce même client impose déjà deux semaines de congés à Noël. Est-ce légal de ne plus pouvoir disposer de ses congés en tant que prestataire et salarié d’une société de conseil ? ».

PW : C’est une question complexe. Premièrement, avec quinze jours ouvrables, on ne se situe pas dans le dispositif spécial COVID-19 que j’ai évoqué jusqu’alors puisqu’en tout état de cause, s’il y existe un accord qui le permet, le congé imposé ne pourrait pas être supérieur à huit jours ouvrables. En revanche, puisque la demande a été faite le 31 mai par rapport à une pose de congés qui se fait en août, le délai est supérieur à un mois, délai minimum de droit commun qui s’applique, encore une fois sous certaines autres conditions qui doivent être respectées (consultation du CSE, respect d’un certain nombre de critères d’ordre, etc.). Sous réserve de respecter ces autres conditions qui sont prévues par la réglementation, il est possible pour l’employeur d’imposer la prise de congés dans une certaine mesure et en particulier à partir du moment où il respecte le délai de prévenance de droit commun d’un mois minimum (en l’occurrence, pour votre internaute, c’est un délai de deux mois).

GP : Très bien. Voici une nouvelle question du même internaute : « Est-ce que le CSE doit être informé en amont de la décision de l’employeur d’imposer des congés ? ». Vous allez répondre qu’il le faut, évidemment ?

PW : Oui, mais il y a une double réponse. Lorsqu’il y a le dispositif de congés « spécial COVID-19 », comme nous avons dit que cela passait par un accord d’entreprise ou de branche, le CSE n’a pas à être consulté ou informé spécifiquement sur un tel accord collectif, mais dans tous les autres cas et de manière à fluidifier le dialogue social, il est évidemment préférable que le CSE soit informé ou, lorsque c’est requis, consulté sur la manière dont la prise de congés s’opère et est mise en œuvre chaque année.

GP : Une dernière question d’un chef d’entreprise : « Quelles sont les règles de consultation du CSE ? ». Comment consulte-t-on son CSE ?

PW : On consulte le CSE en commençant par l’informer. On parle d’une information-consultation ou d’une information en vue de la consultation du CSE. Donc on donne au CSE, et c’est le point de départ, une information complète, lisible et synthétique sur le projet sur lequel on va le consulter.

La deuxième chose qui est importante est de consulter le CSE avant d’avoir officiellement pris une décision pour recueillir son avis qui a vocation à pouvoir influencer la prise de décision de l’employeur.

Le délai de consultation du CSE est variable suivant les sujets. Lorsque le CSE n’a pas pris un avis explicite à la fin du délai qui est posé par les textes, alors il est réputé avoir rendu un avis défavorable, négatif et la consultation est réputée terminée.

A cet égard, il est intéressant de relever que le Conseil d’Etat a récemment annulé une ordonnance et un décret qui avaient prévu une réduction des délais de consultation entre le 3 mai et le 23 août 2020 pour des consultations du CSE sur des projets urgents liés à la pandémie, au changement d’organisation du travail qui était lié au confinement. Finalement, le 19 mai 2021, le Conseil d’Etat a décidé que le gouvernement n’avait pas le droit de prendre une ordonnance sur cette question. Donc, a posteriori, de manière rétroactive, ces délais assez courts pendant lesquels les employeurs ont pu consulter leur CSE entre mai et août 2020 se trouvent annulés. Dans les faits, la période est restée brève et ces consultations sont maintenant terminées depuis longtemps, donc les risques de contentieux selon nous sont limités, mais un CSE pourrait en théorie demander réparation à l’employeur à condition de prouver le préjudice subi du fait d’une consultation dans des délais, finalement considérés comme abusivement trop courts.
 

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