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Comment limiter les risques juridiques liés au télétravail ?

Pierre Warin est intervenu sur le plateau de BFM Business pour répondre aux questions des auditeurs.

15 octobre 2020 dans 60 minutes Business

 

Quel est l’intérêt de négocier un accord collectif ou une charte pour le télétravail dans le contexte actuel ?

Négocier un accord d’entreprise ou mettre en place une charte unilatérale de télétravail permet de  fixer des règles et ainsi de déployer le télétravail d’une manière maîtrisée et dans le respect du principe d’égalité du traitement.

 

Est-ce qu’il faut signer un avenant avec chaque salarié en télétravail ? Quelle est la différence entre un avenant, un accord de branche, et un accord d’entreprise ? Dans quels cas un avenant s’impose-t-il ?

Dans tous les cas, l’accord du salarié doit être requis. La loi aujourd’hui n’impose plus un avenant, mais l’Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 dont relève la quasi-totalité des entreprises exige un avenant. Il y a donc un certain flou sur les règles applicables.

Le conseil que nous pouvons donner aux entreprises, à partir du moment où l’accord du salarié est toujours requis, – sauf dans le cas de circonstances exceptionnelles, comme le confinement national, où il va falloir prouver cet accord mutuel, c’est de conclure un avenant ou d’avoir un écrit contresigné par le salarié avec mention de son accord, qui vaut avenant au télétravail.

 

Quels sont les points clefs qui doivent apparaître dans un accord d’entreprise ou une charte de télétravail ?

Le Code du travail prévoit un certain nombre de mentions obligatoires dans un accord d’entreprise ou une charte de télétravail.

Il y a, notamment, les catégories de salariés éligibles au télétravail en raison de leurs postes, et les critères d’éligibilité. Lorsqu’un salarié est éligible au télétravail, en application de l’accord ou de la charte, l’employeur qui lui refuse le télétravail doit pouvoir motiver son refus.

Un autre point qui doit figurer dans un accord d’entreprise ou une charte de télétravail, c’est le volume de télétravail qui est possible sur une période donnée et qui peut être différencié entre les catégories de salariés.

Troisièmement, les plages horaires de disponibilité doivent y figurer, de même que les spécificités applicables aux travailleurs handicapés.

Il est également possible de prévoir une durée de réflexion ou de rétractation, ainsi que les délais pour les demandes et acceptations du télétravail.

 

L’employeur doit-il prendre en charge les frais liés au télétravail ?

La loi ne l’exige plus expressément. Cependant, il y a deux obligations qui demeurent. Premièrement, un principe générale de prise en charge des frais professionnels par l’employeur. Deuxièmement, l’accord national interprofessionnel de 2005 qui exige également une tellela prise en charge des frais professionnels.

Donc concrètement, l’employeur doit prendre en charge les frais directement liés au télétravail. Il y a une manière assez simple de le faire puisque les Urssaf acceptent une allocation forfaitaire dans la limite de 10 euros par mois par jour hebdomadaire de télétravail. Par exemple, si un salarié est en télétravail deux jours par semaine, on peut allouer jusqu’à 20 euros par mois de frais forfaitaires, exonérés des charges.

Cela se met en place entreprise par entreprise.

 

Faut-il verser aux télétravailleurs une indemnité d’occupation du domicile ?

Cela n’est obligatoire que dans deux cas de figure : soit lorsque le télétravail est mis en place à la demande de l’employeur, soit lorsque l’entreprise ne dispose pas de locaux suffisants pour y accueillir un salarié qui n’a d’autre choix que de travailler de chez lui ou d’un lieu tiers.

Pendant le confinement national, le télétravail n’était mis en place, ni à la demande de l’entreprise, ni à la demande des salariés, ce qui a pu susciter des questions sur l’obligation de verser une indemnité d’occupation du domicile. Bien que différentes positions aient été tenues à ce sujet, on peut selon moi considérer que l’indemnité d’occupation du domicile n’avait pas à être versée dans ce contexte très particulier.

 

Quelles règles régissent la durée du travail en télétravail ?

Le principe est que les règles régissant la durée du travail restent les mêmes en télétravail.

Quant au contrôle du temps de travail effectif d’un salarié qui est en télétravail, il y a plusieurs moyens. Il faut se souvenir que le régime de durée du travail propre à chaque salarié en heures, en jours, en horaire collectif ou individualisé va continuer de s’appliquer en télétravail.

Soit un système rigide de contrôle est mis en place, avec le badgeage informatique ou un système d’ouverture et de fermeture des accès informatique, soit un système plus souple de contrôle avec de l’auto-déclaratif, en fonction de la nature du régime de durée de travail de chaque salarié.

Dans tous les cas, le fait de mettre en place procédure d’alerte et d’informer régulièrement des salariés des règles à respecter et de l’existence d’une procédure d’alerte en cas de difficulté est recommandé aux entreprises pour identifier et traiter les situations problématiques.

 

Peut-on tout calibrer dans un accord national alors que la réalité du terrain est différente d’une entreprise à une autre ?

Un double conseil que nous pouvons donner aux entreprises : premièrement, c’est effectivement de chercher un accord d’entreprise ou une charte de télétravail pour pouvoir organiser de manière cohérente le télétravail. Et en même temps, en second lieu, cet accord ou cette charte peut prévoir qu’à côté des cas expressément prévus il y aura la possibilité de gérer par accord mutuel entre l’entreprise et le salarié des situations individuelles qui ne sont pas forcément prévues par l’accord ou la charte à condition toutefois de respecter le principe d’égalité du traitement entre salariés. Car chaque situation individuelle crée un précédent dont d’autres salariés pourraient se prévaloir dans les mêmes conditions.

Le sondage Malakoff Humanis de juin 2020 indiquait que 84% des salariés souhaitaient continuer le télétravail et en même temps environ 30 % d’entre eux indiquaient avoir souffert d’une dégradation matérielle ou psychologique de leurs conditions de travail pendant le télétravail. On retrouve cette ambivalence qui est au cœur de ce dispositif.

 

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