Dans un arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation étend les pouvoirs du juge des référés en matière de protection du salarié lanceur d’alerte.
Ainsi, si la bonne foi du lanceur d’alerte est constatée, le juge des référés doit rechercher si le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à l’alerte (Cass. Soc., 1er février 2023, n°21-24.271), ce qui implique pour l’employeur d’être en mesure de démontrer l’existence de la cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement.
15 février 2023 dans Flash Melville Avocats
Pour mémoire, un lanceur d’alerte s’entend de toute personne physique qui dénonce, dans certaines conditions fixées par les dispositions légales, un fait illicite, qu’il soit finalement avéré ou non.
En principe, le juge des référés (le juge de l’évidence) peut prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent mais il ne juge pas du bien-fondé d’un licenciement, qui relève des juridictions du fond.
Or, la Cour de cassation en a jugé autrement concernant la contestation en référé du licenciement d’un salarié lanceur d’alerte.
En l’espèce, une salariée avait dénoncé en interne de potentiels faits de corruption impliquant son entreprise. Le Comité d’éthique du groupe avait cependant conclu à l’absence d’agissements illicites et quelques semaines plus tard, une procédure de licenciement avait été engagée à l’encontre de la salariée, pour des motifs apparemment sans aucun lien avec l’alerte soulevée par la salariée.
Cette dernière a ensuite saisi la formation des référés afin que soit prononcée la nullité de son licenciement, au motif qu’aucun salarié ne peut être licencié pour avoir signalé une alerte.
La formation des référés puis la Cour d’appel ont débouté la salariée de sa demande, en raison de l’absence de lien manifeste entre le licenciement intervenu et l’alerte antérieurement soulevée par la salariée.
Cependant, la Cour de cassation censure la décision d’appel en considérant qu’un tel contrôle allégé ne suffit pas : s’il a constaté préalablement la bonne foi du salarié, le juge des référés doit rechercher si la décision de l’employeur était justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte, ce qui revient en réalité à vérifier le bien-fondé du licenciement.
Cet arrêt rappelle la vigilance particulière dont les employeurs doivent faire preuve pour les licenciements notifiés à l’encontre des salariés lanceurs d’alerte : en cas de saisine du juge des référés, qui a vocation à rendre sa décision dans un court délai, l’employeur devra être en mesure de démontrer la réalité et la validité des raisons invoquées pour le licenciement. A défaut, le salarié concerné pourrait être réintégré dans l’entreprise avec le cas échéant condamnation de l’employeur à payer les salaires dus entre la date d’éviction et la date de réintégration effective.