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OPTION DROIT & AFFAIRES | Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : l’exception deviendra-t-elle la règle ?

Article de Pierre Warin et Pierre Chevillard dans Option Droit & Affaires : La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat s’inscrit dans la durée

27 novembre 2019 dans Option Droit & Affaires

Les origines de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et de sa reconduction

Pour mettre un terme à la crise des gilets jaunes, née d’une contestation contre la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l’automne 2018, le Président de la République avait annoncé l’ouverture d’un « grand débat national » et la mise en place de mesures d’urgence économiques et sociales entérinées par la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018.

L’article premier de cette loi a instauré la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée, sous certaines conditions, de cotisations et de contributions sociales ainsi que d’impôt sur le revenu dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire.

Selon l’étude d’impact du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, le montant total des primes exceptionnelles versées entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019 a atteint 2,2 milliards d’euros dans les 408 000 établissements qui ont eu recours à ce dispositif. Le montant moyen de la prime exceptionnelle versée aux 5 millions de bénéficiaires, soit environ un quart des salariés du secteur privé, était de 400 euros. 30 % des primes exceptionnelles ainsi versées ont atteint le seuil de 1 000 euros par bénéficiaire au-delà duquel la prime exceptionnelle était soumise à cotisations et contributions sociales ainsi qu’à l’impôt sur le revenu.

A l’issue du grand débat national, le Président de la République a annoncé la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée de cotisations et de contributions sociales ainsi que d’impôt sur le revenu dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire. Dans son discours de politique générale du 12 juin 2019, le Premier Ministre a annoncé que le bénéfice des exonérations sociales et fiscales de la prime exceptionnelle allait cependant désormais être subordonné à l’existence ou à la mise en place d’un accord d’intéressement avant le 30 juin 2020.

Principale nouveauté issue de l’article 7 du PLFSS pour 2020 : le bénéfice des exonérations sociales et fiscales serait subordonné à l’existence ou à la mise en place préalable d’un accord d’intéressement

Selon l’article 7 du PLFSS pour 2020, pour pouvoir prétendre aux différentes exonérations sociales et fiscales, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat devrait être versée entre la date d’entrée en vigueur de la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), soit le 1er janvier 2020, et le 30 juin 2020, par les entreprises « mettant en œuvre un accord d’intéressement» à la date du versement de la prime exceptionnelle.

En d’autres termes, les entreprises devraient impérativement être dotées d’un accord d’intéressement au plus tard le 30 juin 2020 si elles souhaitent bénéficier et faire bénéficier leurs salariés du régime d’exonération applicable au versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. A défaut d’un tel accord d’intéressement, les primes exceptionnelles ainsi versées seraient soumises aux cotisations et contributions sociales ainsi qu’à l’impôt sur le revenu applicables aux salaires.

Par dérogation aux dispositions de l’article L. 3321-5 du Code du travail selon lesquelles les accords d’intéressement sont conclus pour une durée de trois ans, les accords d’intéressement conclus entre le 1er janvier et le 30 juin 2020 pourraient porter, à titre exceptionnel, sur une durée comprise entre un et trois ans.

Selon l’étude d’impact du PLFSS pour 2020, l’administration devrait mettre à disposition des entreprises, dès le 1er janvier 2020, des accords-type pour faciliter la conclusion d’accord d’intéressement et «sécuriser les entreprises».

Les modalités de mise en place et d’attribution de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat reconduite

La prime exceptionnelle serait mise en place (i) par un accord d’intéressement ou par un accord collectif signé selon les modalités de conclusion spécifiques aux accords d’intéressement mentionnées à l’article L. 3312-5 du Code du travail ou (ii) par décision unilatérale de l’employeur. Dans ce dernier cas, le Comité Social et Economique devrait être informé préalablement au versement de la prime exceptionnelle.

L’accord d’intéressement (ou conclu selon les modalités de conclusion d’un tel accord) ou la décision unilatérale de l’employeur instaurant la prime exceptionnelle devrait définir : (i) le montant de la prime exceptionnelle, (ii) le cas échéant, le plafond de rémunération au-delà duquel les salariés ne seraient pas éligibles à la prime exceptionnelle (étant précisé que seuls les salariés percevant une rémunération inférieure à trois fois le Smic annuel, sous réserve des règles afférentes à une proratisation en fonction de la durée du travail, seraient susceptibles de bénéficier des exonérations sociales et fiscales), ainsi que (iii) la modulation du montant de la prime exceptionnelle entre les bénéficiaires.

L’accord d’intéressement (ou conclu selon les modalités de conclusion d’un tel accord) ou la décision unilatérale de l’employeur instaurant la prime exceptionnelle pourrait prévoir une modulation selon les bénéficiaires en fonction (i) de la rémunération, (ii) du niveau de classification, (iii) de la durée de présence effective dans l’entreprise pendant l’année écoulée (étant précisé que les congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, parental d’éducation et de présence parentale sont assimilés à des périodes de présence effective) ou encore (iv) de la durée du travail prévue au contrat de travail pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés toute l’année.

De plus, pour que la prime exceptionnelle soit exonérée de cotisations et de contributions sociales ainsi que d’impôt sur le revenu, elle devrait être versée entre le 1er janvier et le 30 juin 2020, aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, ayant perçu au cours des douze mois précédant son versement une rémunération inférieure à trois fois le Smic annuel (soit 57 765 euros bruts pour 2019), sous réserve des règles afférentes à une proratisation en fonction de la durée du travail.

Par ailleurs, pour prétendre au régime d’exonération, la prime exceptionnelle ne devrait se substituer à aucun des éléments de rémunération versés par l’employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu des règles légales, contractuelles ou d’usage, ni se substituer à des augmentations de rémunération ou à des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur dans l’entreprise.

Enfin, en ce qui concerne les salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire, l’article 7 du PLFSS pour 2020 prévoit que lorsque l’entreprise utilisatrice attribue à ses salariés la prime exceptionnelle, elle doit en informer l’entreprise de travail temporaire dont relève le salarié mis à disposition. L’entreprise de travail temporaire verserait la prime exceptionnelle au salarié mis à disposition selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision unilatérale de l’entreprise utilisatrice. La prime exceptionnelle ainsi versée serait exonérée de cotisations et de contributions sociales ainsi que d’impôt sur le revenu si les conditions de mise en place de la prime exceptionnelle sont remplies par l’entreprise utilisatrice.

En l’état, l’article 7 du PLFSS reconduit pour 2020 un dispositif de nature exceptionnelle issu d’une loi «portant mesures d’urgence». Comme l’indique l’étude d’impact du PLFSS pour 2020, une autre option aurait pu consister à exonérer de l’ensemble des cotisations et contributions sociales le supplément d’intéressement versé dans le cadre d’un accord d’intéressement. En lieu et place, il a manifestement semblé plus opportun aux rédacteurs du PLFSS pour 2020 de reconduire de manière autonome la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, tout en conditionnant le régime d’exonération de cette prime à l’existence ou à la mise en place d’un accord d’intéressement. Cette approche permet en effet, d’une part, de contribuer à développer, en particulier dans les PME, de tels dispositifs d’intéressement, en cohérence avec les orientations affichées par le gouvernement et, d’autre part, d’afficher la poursuite d’une mesure exceptionnelle de renforcement du pouvoir d’achat des salariés, alors même que le climat social demeure particulièrement tendu.

 


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