répond à diverses questions relatives aux règles sanitaires en entreprise dans l’émission “BFM Business avec vous” présentée par Lorraine Goumot et Guillaume Paul.
24 mars 2022 dans 60 minutes Business
Guillaume Paul (GP) : Nous allons parler des nouvelles règles sanitaires en entreprise car certaines choses ont changé ces derniers jours.
Yves nous écrit : « Le masque n’est plus obligatoire mais le Covid est toujours là. Puis-je demander à mes employés de continuer à le porter ? ».
Pierre Warin (PW) : Yves ne peut plus imposer aujourd’hui le port du masque puisqu’il n’est plus imposé par le gouvernement depuis le 14 mars dernier.
En principe, l’employeur ne peut plus imposer le port du masque à ses salariés dans une situation qui ne présente pas de risques identifiés, hormis dans certains cas particuliers tels dans le secteur sanitaire ou médico-social en raison de la présence de personnes vulnérables.
En revanche, les salariés ont naturellement la liberté de le porter individuellement s’ils considèrent qu’en raison des risques qui seraient toujours présents, ils souhaitent le porter. C’est au salarié de faire un choix individuellement.
GP : Un internaute nous dit : « Un salarié est venu me voir, désemparé. Il a peur de travailler en présentiel depuis que les masques ne sont plus obligatoires. Peut-il m’attaquer pour manquement à mes obligations de sécurité ? ».
PW : Le salarié peut agir s’il y a un manquement aux obligations de sécurité de son employeur parce que, même si le masque n’est plus obligatoire et même si un certain nombre de mesures sanitaires qui étaient très fortement recommandées par le gouvernement et considérées comme obligatoires ne sont plus en vigueur, l’employeur est tenu à une obligation qu’on appelait de sécurité de résultat qui est en fait plutôt une obligation de prévention des risques. L’obligation de l’employeur de protéger la santé des salariés au travail demeure.
Si un salarié considère que d’une manière générale dans l’entreprise, l’employeur ne fait pas tout ce qu’il devrait pour le protéger face à un risque identifié, il peut naturellement agir contre l’employeur.
En revanche, même si le Covid n’a pas complètement disparu, les autorités de santé ainsi que le gouvernent ont décidé que le port du masque n’est plus obligatoire sauf dans des cas particuliers et dans les transports en commun, si bien qu’il n’est pas évident que cela soit considéré comme un risque identifié par les juges si le salarié n’est pas particulièrement exposé dans le cadre de son activité.
GP : Est-ce qu’une forte présomption de cluster, par exemple, pourrait être considérée comme un risque identifié ?
PW : S’il s’avère qu’il y a un cluster, cela veut dire qu’il y a des personnes testées positives et des cas contacts. Dans ce cas-là, il y a des règles d’isolement et d’arrêts de travail qui continuent à être en vigueur de manière à éviter le maintien du cluster.
Il n’est bien sûr pas interdit, d’un commun accord et dans le cadre du dialogue social de proximité, de prendre toutes les mesures adaptées, dès lors que face à un risque identifié, l’employeur a l’obligation de protéger ses salariés et de mettre en œuvre les mesures appropriées.
GP : Cela n’a pas évolué. Autre question : « Un de mes salariés m’alerte sur les horaires rallongés depuis qu’il télétravaille. Peut-il lui-même fixer les heures où il peut être disponible ? ».
PW : A mon sens, cette question en appellera beaucoup d’autres puisque le télétravail hybride est l’une des traces durables au sein des entreprises de cette épidémie de Covid.
Pour organiser le télétravail, l’employeur va fixer des plages de disponibilité d’un commun accord avec le salarié car, hormis les cas de pandémie ou de circonstances exceptionnelles, il faut l’accord du salarié pour qu’il télétravaille.
En dehors de ces plages de disponibilité, le salarié travaille selon ses horaires de travail exprimés en heures si, en dehors de tout télétravail, son contrat de travail est en heures, par exemple, de 35h ou 37h par semaine.
Si le contrat de travail est en revanche exprimé en jours comme c’est le cas pour le forfait annuel en jours, le salarié devra respecter une durée raisonnable de travail mais les plages de disponibilité en télétravail restent fixées d’un commun accord.
GP : Laurent nous écrit : « Si un de mes salariés a déménagé loin de son lieu de travail depuis les confinements, dois-je prendre en charge les frais de déplacements professionnels en prenant en compte sa nouvelle adresse ? ».
PW : C’est de nouveau une question épineuse qui, à mon avis, amènera probablement une évolution de la réglementation à l’avenir car elle n’est pas du tout adaptée au télétravail.
En principe, à ce jour, l’employeur doit prendre en charge 50% des frais d’abonnement à un transport en commun ou une mise à disposition de vélo pour les trajets entre le domicile et le lieu de travail.
Cependant, il est important de rappeler que le domicile peut être situé n’importe où, il y a une liberté de choix du domicile. Cette règle s’applique par exemple si les locaux de l’entreprise, c’est-à-dire le lieu de travail théorique, sont à Paris alors que le domicile est désormais à Marseille, à Perpignan ou à Bayonne.
Dans le télétravail hybride, il y a deux hypothèses possibles.
Dans le cas d’un salarié qui aurait par exemple 4 jours de télétravail par semaine, le lieu de travail contractuel pourrait être considéré d’un commun accord comme étant son domicile, auquel cas il y aurait un déplacement professionnel lorsqu’il se rend ponctuellement dans les locaux de son employeur ce qui impliquerait alors une prise en charge par l’employeur à hauteur de 100 % des frais de déplacement lorsqu’il y en a.
Si le lieu de travail de ce salarié reste le siège de l’entreprise, les trajets entre le domicile, lieu de télétravail, et le siège de l’entreprise seront pris en charge par l’employeur à hauteur de 50% de l’abonnement au transport collectif souscrit pour les trajets entre le lieu de travail et le domicile.
GP : Quelqu’un demande : « Est-il possible de fixer un périmètre géographique de télétravail ? ». Est-ce quelque chose que l’on pourrait voir émerger ?
PW : Oui, je pense. A mon sens, il y a deux règles à ne pas confondre.
En premier lieu, il y a la liberté de choix du domicile. En effet, le salarié a le droit de d’établir son domicile n’importe où, c’est un droit.
En revanche, hors circonstances exceptionnelles, le télétravail n’est pas un droit. Le recours au télétravail est fixé d’un commun accord entre l’employeur et le ou les salariés.
L’employeur peut donc autoriser l’ensemble des salariés ou une catégorie précise de salariés à télétravailler s’ils le souhaitent, dans certaines limites. Cette décision peut être établie soit par une décision unilatérale de l’employeur, soit dans le cadre d’un accord collectif, avec la possibilité, par exemple, que le lieu de télétravail soit situé en France ou encore en région Île-de-France ou alors dans la limite des 100 km des locaux d’entreprise.
L’employeur a le droit de définir le périmètre géographique de télétravail, parce qu’encore une fois, il ne faut pas confondre liberté d’habiter où l’on veut, qui est un droit, et liberté de télétravailler où l’on veut, qui ne l’est pas.
GP : Vincent nous pose la question suivante : « J’ai atteint les objectifs fixés oralement avec ma Direction pour obtenir un bonus, mais mon chef me dit que le chiffre d’affaires de l’entreprise est trop faible cette année. Comment dois-je réagir ? ».
PW : Le salarié aurait probablement dû demander une confirmation par écrit lorsque l’employeur lui a énoncé à l’oral la possibilité d’un bonus puisque, s’il n’y a pas de preuve de cette discussion ou du fait de l’existence d’un bonus, cela risque d’être compliqué à prouver.
Ceci étant rappelé, lorsque les objectifs existent, ils doivent être fixés au début de la période de référence, c’est-à-dire au début de l’année si c’est un bonus annuel. Les règles ne doivent pas changer pas au cours de la période de référence et doivent être connues au début de cette dernière.
Par ailleurs, les objectifs doivent être réalisables. En cas de litige concernant le bonus annuel à la fin de l’année, le juge devra vérifier que le salarié avait effectivement bien reçu une communication des objectifs en début d’année et que ces objectifs étaient réalistes. A défaut, le montant cible du bonus pourrait être dû.
GP : Il faut bien que ces objectifs soient écrits et négociés à l’avance.
PW : Oui, c’est une question de preuve.
GP : « Un élu du CSE vient d’être nommé directeur de mon entreprise, faut-il organiser de nouvelles élections ? ».
PW : De nouvelles élections ne sont pas toujours obligatoires.
Si l’élu est nommé directeur et qu’il a une délégation écrite d’autorité en cours de mandat, le mandat de cet élu va prendre fin parce que la condition qui est de ne pas être assimilé à l’employeur ne sera pas respectée.
Ce n’est pas parce que le mandat d’un élu prend fin qu’il faut dans tous les cas organiser des élections. Il faut qu’il y ait une certaine proportion d’élus dont les mandats ont pris fin.
GP : La réponse est donc non, pas forcément.