répond à diverses questions relatives au droit du travail dans l’émission “BFM Business avec vous” présentée par Lorraine Goumot.
6 décembre 2021 dans 60 minutes Business
Lorraine Goumot (LG) : Nous sommes au cœur d’une recrudescence des cas Covid, rappelez-nous ce que prévoit, dans les grandes lignes, le nouveau protocole sanitaire.
Pierre Warin (PW) : Le nouveau protocole sanitaire, diffusé le 29 novembre dernier, reprend, réactualise et réaffirme toutes les mesures sanitaires que les salariés et les employeurs connaissent déjà. Il comporte peu de modifications, on peut en distinguer 2 principales.
La première concerne les lieux dans lesquels le pass sanitaire est obligatoire et dans lesquels il faut désormais porter le masque alors qu’une dispense avait auparavant été accordée. Dans les entreprises où le pass sanitaire est obligatoire, le masque le devient aussi.
L’autre modification concerne, quant à elle, le pass sanitaire obtenu par un test de dépistage qui n’a plus qu’une validité de 48h au lieu de 72h auparavant.
Le télétravail reste toujours encouragé par le biais du dialogue social de proximité sans qu’il y ait d’obligation comme il a pu y en avoir au début de la pandémie. Par ailleurs, les gestes barrières continuent à s’appliquer.
LG : Concrètement, cela veut dire que les choses ne changent pas pour les employeurs ?
PW : Les choses ne changent pas. En revanche, la vigilance reste toujours de mise. La consultation du CSE, lorsqu’il existe, est toujours obligatoire avant la mise en place de nouvelles mesures, notamment pour combattre le risque de contamination, qui modifieraient les conditions de travail ou les conditions d’emploi et qui impliqueraient une forme de réorganisation du travail dans l’entreprise telle que l’étalement des horaires de travail, le télétravail, etc.
LG : Autre question sur la recrudescence des cas de Covid, que faire en situation de cas contact en entreprise ?
PW : Un cas contact est un salarié qui a été identifié par l’assurance maladie comme étant un cas contact. La procédure à suivre est complexe et dépend de nombreux paramètres. Les principes sont les suivants :
L’employeur, lorsqu’il est informé de l’existence d’un salarié cas contact (puisqu’il ne l’est que si le salarié le lui dit), doit inviter le salarié à rentrer chez lui et à se faire dépister au plus vite, plutôt en lui payant le taxi qu’en prenant les transports en commun et en s’assurant qu’il porte un masque.
Quant au salarié qui a été identifié comme tel, il a droit à un arrêt de travail dérogatoire en principe de 7 jours. Il doit le plus rapidement possible procéder à un test de dépistage pour prendre connaissance de sa situation. Ensuite, il y a différents délais et procédures qui vont naturellement varier selon si le salarié est positif ou non, ainsi que l’état de santé des personnes avec qui il habite, le cas échéant.
Guillaume Paul (GP) : Un chef d’entreprise nous écrit : « J’envisage de demander à mes salariés de m’adresser leur pass sanitaire par email. Ce serait un gain de temps et ça me permettrait d’avoir la preuve que mes salariés avaient bien un pass en cas de contrôle. » C’est ce que voudrait faire ce chef d’entreprise mais est-ce possible ?
PW : Si l’entreprise n’est pas soumise à l’obligation du pass sanitaire pour les salariés, la démarche du chef d’entreprise n’étant pas indispensable au fait que les salariés viennent travailler, il n’est pas possible de solliciter ou d’enregistrer ces pass.
Si l’entreprise est soumise à l’obligation du pass sanitaire pour les salariés, le chef d’entreprise ne peut pas demander aux salariés de leur transmettre leur pass par mail. En revanche, il est possible d’avoir un enregistrement de l’existence et de la conformité des pass sanitaires des salariés à condition de respecter les règles de traitement de ces données considérées comme sensibles, qui concernent notamment leur durée de conservation. Ces règles liées à la protection des données personnelles peuvent, par exemple, être consultées sur le site internet de la CNIL.
L’ouverture à la 3 ème dose de vaccin apporte un élément de complexité qui concerne le suivi de la validité du pass sanitaire dont la durée est désormais limitée et qui va dépendre de l’âge du salarié et surtout du délai maximal de validité après la 2 ème dose.
LG : Donc pas de capture d’écran ?
PW : Pas de capture d’écran et pas de transmission du pass lui-même.
LG : Jules nous demande : « Dois-je et/ou devrais-je ajouter la mention « vacciné » à mon CV ? ». On voit que le sous-jacent est d’augmenter ses chances d’être recruté. Est-ce légalement possible et recommandable de mettre « Je suis bien vacciné(e) sur mon CV » ?
PW : C’est possible de la même manière que l’on peut indiquer sur son CV qu’on détient le permis deconduire. Ce n’est ni interdit, ni obligatoire, c’est à Jules qu’il appartient de décider s’il veut le mentionner ou pas et rien ne lui interdit d’indiquer sur son CV qu’il est vacciné.
En revanche, cela aura peut-être un effet psychologique sur un futur employeur mais juridiquement, en théorie, cela ne devrait avoir aucun effet puisque les employeurs, sauf pour les personnels soignants ou le secteur sanitaire ou médico-social, n’ont pas le droit de différencier des salariés suivant qu’ils sont vaccinés ou non, tout en sachant qu’ils n’ont aucun moyen de vérifier cette information.
GP : L’autre sous-jacent de sa question est la possibilité que des entreprises lui aient justement demandé d’ajouter cette précision sur son CV, ce qui n’est pas possible, n’est-ce pas ?
PW : Tout à fait, sauf pour les personnels soignants du secteur hospitalier ou du secteur sanitaire ou médico-social, etc.
LG : Vous vouliez revenir sur un cas très précis dans le cadre d’une procédure de licenciement. On nous demande : « La société employeur peut-elle choisir pour une procédure de licenciement un représentant qui n’est pas mandataire ou salarié de la société qui licencie ? ». Où en est-on de cette situation ?
PW : C’est une situation qui se présente, en général, dans des groupes de sociétés. Par exemple, le licenciement pourrait concerner un salarié d’une société « A » qui n’est pas dotée d’un DRH. Ainsi, la société A peut être tentée de demander au DRH de la société mère ou d’une autre société du même groupe de mener la procédure de licenciement, l’entretien et de signer la lettre. Or, en principe, seul le dirigeant de la société A qui emploie le salarié, ou un autre salarié de la société A dûment habilité peut mener cette procédure. Dès lors que c’est une personne extérieure à l’entreprise, il y a un risque que le licenciement soit sans cause réelle et sérieuse avec une indemnité pour le salarié.
Pour pouvoir faire mener la procédure par un salarié extérieur à l’entreprise qui licencie, par exemple le DRH d’une autre société du même groupe, il faut cumulativement (i) d’une part, que les fonctions de ce DRH incluent clairement dans son champ le fait de s’occuper des ressources humaines de la société qui va licencier le salarié et d’exercer effectivement un pouvoir sur sa direction et (ii) d’autre part, que ce même DRH d’une autre société appartenant au même groupe bénéficie d’une délégation de pouvoirs en bonne et due forme de la part du dirigeant ou du mandataire social de la société qui licencie.
Ainsi, dans les groupes de sociétés, si vous faites appel à quelqu’un qui n’est pas salarié de cette société pour mener une procédure de licenciement, ses fonctions doivent inclure un pouvoir effectif sur la direction de cette société et une délégation de pouvoirs appropriée.
LG : Sinon le licenciement peut être annulé ?
PW : Le licenciement pourra être jugé sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, les indemnités du barème Macron, trouveront à s’appliquer.