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Dans le cadre des adaptations en droit social liées à l’épidémie de Covid-19, le virus de la complexité n’épargne pas toujours les PME…

Précisions à la suite de la mise à jour du 3 avril 2020 des questions-réponses et des précisions sur les évolutions procédurales du dispositif d’activité partielle :

27 mars 2020 dans Actualités

Alors que le décret n°2020-325 du 25 mars 2020 sur l’activité partielle semblait imposer, en cas de mise en place de l’activité partielle, la consultation du Comité Social et Economique (CSE) d’une entreprise de moins de 50 salariés, le Ministère du travail a précisé, le 3 avril dernier, que cette consultation ne concernerait que les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un CSE. Il convient toutefois de rester prudent. En effet, la précision apportée par le ministère du travail ne lie pas les juges qui pourraient considérer, en cas de contentieux sur ce point et en se fondant sur l’application littérale du décret susvisé, que le CSE dans un entreprise de moins de 50 salariés aurait dû consulté sur la mise en place de l’activité partielle, même si la position du Gouvernement pourra être utilement invoquée, de même que la cohérence de cette position avec l’état du droit antérieur et le contexte particulier de l’état d’urgence sanitaire.

La crise sanitaire et économique liée à l’épidémie du COVID-19 a contraint le Gouvernement à agir de façon rapide pour adapter certaines règles légales / conventionnelles dans des délais courts à la situation exceptionnelle liée à cette pandémie. Si l’intention est louable, de même que la recherche du juste équilibre entre sécurisation des salariés et flexibilité pour les employeurs, certaines règles apparaissent parfois mal adaptées, notamment pour les plus petites entreprises, pourtant très exposées. 

A titre d’illustrations :

– L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos autorise l’employeur (i) à imposer la prise de congés payés déjà acquis, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris ou (ii) à modifier les dates de congés déjà posées, sous réserve toutefois de la conclusion préalable d’un accord collectif d’entreprise ou de branche

Or, dans les entreprises jusqu’à 20 salariés dépourvues de délégué syndical ou dans celles ne disposant pas de Comité Social et Economique (compte tenu de leurs effectifs ou par suite d’une carence valable), qui représentent une partie importante du tissu entrepreneurial français, l’employeur doit proposer aux salariés un projet d’accord collectif soumis ensuite à la consultation du personnel, laquelle ne peut être organisée avant l’expiration d’un délai de 15 jours courant à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord. En d’autres termes, l’entrée en vigueur d’un tel accord n’interviendrait qu’une fois le projet ratifié par les salariés et les modalités de dépôt et de publicité effectuées, le tout en période de confinement et/ou de précautions sanitaires strictes, soit pas avant l’écoulement d’un délai d’environ 1 mois au moins. 

De même, dans les entreprises dont l’effectif est supérieur à 20 salariés mais ne disposant pas de Comité Social et Economique (des suites d’une carence valable), l’employeur est contraint de conclure l’accord collectif avec un ou plusieurs salariés mandatés par une organisation syndicale représentative (dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel), ce qui nécessite (i) d’obtenir le mandatement par le ou les organisations syndicales représentatives, lequel peut prendre un certain temps, outre (i) d’obtenir l’approbation des salariés à la majorité des suffrages exprimés. La consultation des salariés doit être organisée dans un délai de 2 mois à compter de la conclusion de l’accord et les salariés doivent être informés 15 jours au moins avant la date prévue du scrutin de ses modalités. 

Ces différentes modalités et l’exigence d’un accord collectif en l’espèce les empêchent donc, en pratique, de conclure rapidement un accord collectif susceptible d’entrer en vigueur dans les semaines à venir, c’est-à-dire quand elles en auraient le plus besoin. Si l’on peut comprendre la volonté de préserver le dialogue social et les prérogatives des organisations syndicales, il n’en demeure pas moins que nombre de TPE et de PME se trouveront de facto privées de la flexibilité temporaire offerte par l’ordonnance en matière de prise de congés payés. Le coût économique risque d’être élevé.

– Le décret n°2020-325 du 25 mars 2020 sur l’activité partielle modifie le 6e alinéa de l’article R. 5122-2 du Code du travail en prévoyant que la demande d’activité partielle doit faire l’objet d’un avis rendu par le Comité Social et Economique, si l’entreprise en est dotée. 

Compte tenu de la rédaction de ce nouvel article, il semblerait désormais qu’un Comité Social et Economique d’une entreprise de moins de 50 salariés doive être consulté en cas de mise en place de l’activité partielle. 

Cependant, jusqu’alors, au regard des textes, l’obligation de consultation du Comité Social et Economique ne concernait que les entreprises dotées d’un Comité Social et Economique dans les entreprises d’au moins 50 salariés, ce qui était du reste cohérent avec les attributions consultatives respectives des CSE d’entreprises de moins de 50 salariés ou d’au moins 50 salariés. 

En d’autres termes, le décret ajoute aujourd’hui une obligation supplémentaire pour les PME de moins de 50 salariés, ici encore fort nombreuses et particulièrement exposées à la crise actuelle, obligation qui ne semble en outre pas cohérente avec le droit existant des attributions consultatives des institutions représentatives du personnel. L’adaptation des modalités de l’activité partielle, dans l’intérêt aussi bien des employeurs que des salariés, ne conduisait pas nécessairement à renforcer les obligations consultatives des PME au-delà de l’existant, dans cette période compliquée.

 

Par Florence Mohr & Pierre Warin

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